" Les conventions sont dévidence nécessaires
pour la vie en société. Imaginez la pagaille sil fallait
remettre en question chaque matin la couleur du feu de circulation qui
interdit de passer, lhabitude de conduire à droite (dans
la grande majorité des pays), la signification dune couronne
rouge ou dun point dexclamation sur des panneaux, et combien
dautres conventions dans le seul domaine de la circulation automobile?
Par contre, les conventions imposent contraintes et atavisme, dont nous
sommes tous victimes. Et les traditions, par ailleurs fondatrices dune
grande partie de la mémoire collective, véhiculent aussi
du conventionnel, et par là peuvent favoriser limmobilisme,
le passéisme, les parti pris.
Ainsi de la tradition occidentale qui privilégie depuis quelques
siècles la peinture à lhuile sur toile. Au cours des
deux ou trois dernières décennies, laquarelle revendique
énergiquement sa place, et gagne heureusement du terrain, mieux
que le pastel, mais le batik subit encore le poids dune étiquette
dartisanat, comme le savent trop bien les peintres qui choisissent
den utiliser les subtiles et complexes techniques dans lélaboration
de leur langage pictural.
Carmelle BOURGEOIS est au Québec de ces braves, après
Thérèse Guité et avec Suzel Back et quelques autres
artistes courageux et convaincus. Et si elle veut exposer des dessins,
esquisses et aquarelles, ce nest pas pour déserter le batik,
mais bien au contraire pour mieux faire comprendre et apprécier
des oeuvres de batik, en les entourant dautres pièces, préliminaires
ou dérivées.
Née en 1951 à Yamaska, Carmelle grandit, comme elle le note,
dans " une modeste famille ouvrière " qui encourage ses
talents en musique et en chant, et où elle prend le goût
du textile et de la couleur en aidant maman et grand-mère à
composer des courtepointes.
Puis les études lentraînent dans la profession dinfirmière,
où elle sengagera dans des programmes de promotion de la
santé. Et pourtant, malgré ce travail accaparant, elle se
passionne pour lart au point den faire une carrière
parallèle.
Après avoir découvert le batik en 1978, elle sy perfectionne
en autodidacte, et tient sa première exposition en 1984. Depuis,
les manifestations se succèdent, dabord fortement inspirées
de scènes bibliques, puis dune spiritualité nourrie
des chants " celtiques, médiévaux et contemporains
francophones ", qui lincitent à exprimer dans ses personnages
leur monde intérieur.
Une source profonde dinspiration se trouve pour Carmelle BOURGEOIS
chez la mystique Hildegarde de Bingen, " qui a réussi
à harmoniser la théologie et la médecine, la musique
et les sciences naturelles " au douzième siècle. Voilà
en effet qui convient parfaitement à notre peintre, pour qui lart
plastique demeure intimement lié à ses talents musicaux,
à sa vie spirituelle, et aussi à la cause de la santé
".
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LE BATIK
Le batik, nom tiré de lidiome javanais ou malais, veut dire
" brisures ou craquelures " . Cest un procédé
très ancien de décoration des tissus par réserve
de cire. Datant denviron 2000 ans, les premières oeuvres
nous viennent de Perse et dÉgypte et portent linfluence
de la culture des grandes dynasties chinoises, source intarissable de
tant de forme dexpressions artistiques de lhumanité.
Comme tout ce qui est art véritable, le batik nous est parvenu
de ces temps anciens, un peu comme un conte des Mille et une nuits, pour
enchanter notre sens de la créativité. La forme et la couleur,
ont toujours influencé et fasciné lesprit de lhomme,
et faisait écrire au célèbre peintre Henri Matisse:
" La couleur surtout et peut-être encore plus que le dessin
est une libération ".
Le batik indonésien était au 12ième siècle,
réservé uniquement pour la confection des vêtements
destinés aux aristocrates et aux gens de la cour des palais et
petits royaumes du centre de Java en Indonésie. À cette
époque, les rois entretenaient artisans et ateliers, afin den
obtenir les plus somptueux sarongs de cérémonie pour eux,
ainsi que les plus élégants kains pour leurs épouses.
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Ange de
Calcutta
Batik sur coton
23 X 42 cm. |
Par la suite, au 18ième
siècle, le batik sest démocratisé, fût
pratiqué par toute la population javanaise et devint même
un art national. Puis au fil des ans, des voyages et des échanges
culturels, il traversa les frontières de lIndonésie
pour apparaître en Europe, en Afrique et en Amérique. Cest
vers 1908 que les décorateurs Hollandais commencèrent à
utiliser les étoffes de batik dans les aménagements intérieurs,
conférant à ce médium, un cachet dindéniable
originalité. Malgré le temps et ses nombreuses migrations,
le batik continue toujours dêtre un art décoratif enchanteur
et se pratique encore par quelques artistes peintres passionnés
et persévérants, qui ne cessent de croire obstinément
à son charme et à sa noblesse.
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