L’ARTISTE

Dans son dernier livre intitulé "Le PLURALISME dans l’art au Québec ", paru aux éditions Iconia à Montréal en novembre 1998, Guy ROBERT, écrivain et expert en art, critique et historien, professeur et conférencier, docteur en esthétique de l’Université de Paris et fondateur du Musée d’Art contemporain de Montréal présentait ainsi l’artiste et son oeuvre.


" Les conventions sont d’évidence nécessaires pour la vie en société. Imaginez la pagaille s’il fallait remettre en question chaque matin la couleur du feu de circulation qui interdit de passer, l’habitude de conduire à droite (dans la grande majorité des pays), la signification d’une couronne rouge ou d’un point d’exclamation sur des panneaux, et combien d’autres conventions dans le seul domaine de la circulation automobile?


Par contre, les conventions imposent contraintes et atavisme, dont nous sommes tous victimes. Et les traditions, par ailleurs fondatrices d’une grande partie de la mémoire collective, véhiculent aussi du conventionnel, et par là peuvent favoriser l’immobilisme, le passéisme, les parti pris.


Ainsi de la tradition occidentale qui privilégie depuis quelques siècles la peinture à l’huile sur toile. Au cours des deux ou trois dernières décennies, l’aquarelle revendique énergiquement sa place, et gagne heureusement du terrain, mieux que le pastel, mais le batik subit encore le poids d’une étiquette d’artisanat, comme le savent trop bien les peintres qui choisissent d’en utiliser les subtiles et complexes techniques dans l’élaboration de leur langage pictural.


Carmelle BOURGEOIS est au Québec de ces braves, après Thérèse Guité et avec Suzel Back et quelques autres artistes courageux et convaincus. Et si elle veut exposer des dessins, esquisses et aquarelles, ce n’est pas pour déserter le batik, mais bien au contraire pour mieux faire comprendre et apprécier des oeuvres de batik, en les entourant d’autres pièces, préliminaires ou dérivées.


Née en 1951 à Yamaska, Carmelle grandit, comme elle le note, dans " une modeste famille ouvrière " qui encourage ses talents en musique et en chant, et où elle prend le goût du textile et de la couleur en aidant maman et grand-mère à composer des courtepointes.


Puis les études l’entraînent dans la profession d’infirmière, où elle s’engagera dans des programmes de promotion de la santé. Et pourtant, malgré ce travail accaparant, elle se passionne pour l’art au point d’en faire une carrière parallèle.


Après avoir découvert le batik en 1978, elle s’y perfectionne en autodidacte, et tient sa première exposition en 1984. Depuis, les manifestations se succèdent, d’abord fortement inspirées de scènes bibliques, puis d’une spiritualité nourrie des chants " celtiques, médiévaux et contemporains francophones ", qui l’incitent à exprimer dans ses personnages leur monde intérieur.


Une source profonde d’inspiration se trouve pour Carmelle BOURGEOIS chez la mystique Hildegarde de Bingen, " qui a réussi à harmoniser la théologie et la médecine, la musique et les sciences naturelles " au douzième siècle. Voilà en effet qui convient parfaitement à notre peintre, pour qui l’art plastique demeure intimement lié à ses talents musicaux, à sa vie spirituelle, et aussi à la cause de la santé ".

 

LE BATIK

Le batik, nom tiré de l’idiome javanais ou malais, veut dire " brisures ou craquelures " . C’est un procédé très ancien de décoration des tissus par réserve de cire. Datant d’environ 2000 ans, les premières oeuvres nous viennent de Perse et d’Égypte et portent l’influence de la culture des grandes dynasties chinoises, source intarissable de tant de forme d’expressions artistiques de l’humanité. Comme tout ce qui est art véritable, le batik nous est parvenu de ces temps anciens, un peu comme un conte des Mille et une nuits, pour enchanter notre sens de la créativité. La forme et la couleur, ont toujours influencé et fasciné l’esprit de l’homme, et faisait écrire au célèbre peintre Henri Matisse: " La couleur surtout et peut-être encore plus que le dessin est une libération ".

Le batik indonésien était au 12ième siècle, réservé uniquement pour la confection des vêtements destinés aux aristocrates et aux gens de la cour des palais et petits royaumes du centre de Java en Indonésie. À cette époque, les rois entretenaient artisans et ateliers, afin d’en obtenir les plus somptueux sarongs de cérémonie pour eux, ainsi que les plus élégants kains pour leurs épouses.

Ange de Calcutta
Batik sur coton
23 X 42 cm.

Par la suite, au 18ième siècle, le batik s’est démocratisé, fût pratiqué par toute la population javanaise et devint même un art national. Puis au fil des ans, des voyages et des échanges culturels, il traversa les frontières de l’Indonésie pour apparaître en Europe, en Afrique et en Amérique. C’est vers 1908 que les décorateurs Hollandais commencèrent à utiliser les étoffes de batik dans les aménagements intérieurs, conférant à ce médium, un cachet d’indéniable originalité. Malgré le temps et ses nombreuses migrations, le batik continue toujours d’être un art décoratif enchanteur et se pratique encore par quelques artistes peintres passionnés et persévérants, qui ne cessent de croire obstinément à son charme et à sa noblesse.